Rencontre 2015 à Saint Hilaire de Beauvoir (34)

29/12/2015 18:50

Lundi 27 juillet

Comme chaque année, la veille du départ, chacun arrive sur le parking de feu SPAR, qui en voiture, qui en vélo, qui a pieds pour ceux qui résident aux abords immédiats du lieu. Et comme chaque année, on commence à empiler les affaires dans la remorque, les tentes, les réchauds, la plancha, les tivolis, les sacs de couchage. Chacun apporte son barda et essaye tant bien que mal, de trouver une p’tiote place dans la carriole. Deux remorques seront tractées lors de ce raid, la première dans le convoi contenant tables, chaises et réchauds, et la seconde derrière le véhicule d’assistance, contenant de l’équipement individuel et la plate forme porte vélos. Et puis il faut ranger le véhicule frigo. Chaque chose à sa place et une place pour chaque chose. Manquerait plus qu’on perde des victuailles sur la route ! J’en connais qui feraient la tronche !

Après deux heures de palabres et de rangement, on y est enfin. Rien ne bouge, rien ne manque. Les pleins sont faits, les hommes sont prêts !

Demain matin à sept heures et quart, rassemblement sur la grand place, en tenue et en chantant. Repos !

 

Mardi 28 juillet

Le village est encore endormi lorsque les premiers « raiders » arrivent sur le parking. Le temps est agréable, la température douce et ma foi, tout le monde a l’air heureux. Je vous rassure, ça ne durera pas !

Après les embrassades, la distribution des road books et le chargement des derniers effets, les cyclistes rejoignent l’acacia centenaire, symbole de notre village et au milieu des fleurs, se font tirer le portrait. Qu’ils sont beaux, qu’ils sont mignons dans leur belle tenue jaune et bleue. On dirait des mésanges ! On les sent impatients, prêts à bondir, le mollet tremblant et le muscle saillant. Après des mois d’entraînement, ils vont à coup sûr, battre des records.

Heu !!! Faut pas pousser mémère. La moyenne d’âge flirte avec les soixante ans.

« N’allez pas nous péter une durite les anciens ».

Etre et durer telle est notre devise, et maintenant, il faut surtout durer !

A huit heures pétantes, notre GPS enfourche son destrier et d’un ton qui ne laisse personne indifférent, lance le traditionnel :

« A cheval … en avant ».

Bon, et ben, quand faut y’aller, faut y’aller !

Et le long serpent multicolore s’éloigne vers la sortie du village. Quelques gestes de la main pour saluer les amis, et le groupe s’éloigne tout doucement. Direction le Sud-Est.

Cette année, quatorze cyclistes prennent le départ. Il y a notre GPS et nouveau président Gérard, organisateur du raid, Joël de la Grêve, vieille noblesse du marais, Christian, Jean Philippe qui entre deux escapades sur le chemin de Compostelle vient pédaler, ça change, Patrick et son fils Cédric, René, Patrick dit le « grand Patrick », Claude qui se sent bien seul cette année sans son beau-frère Philippe, qui pour raisons professionnelles ne pourra se joindre au peloton, Loïc dit « l’iguane », Bernard qui pour l’instant affiche une forme insolente, Pierre le p’tit nouveau, Jean François dit  « Tonton » et enfin Jean Claude, notre nouveau président d’honneur, qui malgré son peu d’entraînement, espère bien rallier l’arrivée. Derrière le peloton, un fidèle depuis quelques années, Patrick, encore un, qui conduira le véhicule d’assistance et la remorque porte vélos.

A cette cohorte manquent quelques éléments. Philippe Mathé dont je parlais précédemment, mais aussi Philippe Mathieu, Jean Pierre, le p’tit Jojo qui comme l’année précédente ne pourra être à nos côtés, et Jean Noël notre secrétaire, qui pour la première fois et pour des raisons impérieuses de santé, devra rester au marais.

Pour l’instant, ces routes nous sont familières, L’île Bapaume, le Bourdet, La Rochenard. Alors que tout va bien, que les discutions vont bon train dans le peloton, on entend tout à coup un cri, un cri strident qui nous glace le sang :

« AAAAAAAHHHHHH !!! OOOOUUUUHHHH !!!

« M’enfin Joël, que fais-tu le nez dans les tournesols ? ».

Après avoir touché la roue arrière de Gérard, Joël nous fait une figure dont il a seul le secret.

Double axel ! triple lutz ! quadruple salchow rattrapé sur les mains. Bravo ! Tout le peloton applaudie et lui attribue la note de dix ! Bon, et bien puisque tout le monde est arrêté, profitons-en pour faire la pause prostate !

Mais bientôt nous entrons dans des contrées inconnues. Villiers en Chizé, Ensigné et après un peu plus de quarante kilomètres parcourus, Tonton met pied à terre. Il a atteint sa distance référence, la distance sur laquelle il s’entraîne depuis des mois. Rapidement on installe son vélo sur la remorque, lui rejoint Patrick dans le fourgon et on repart. Le soleil commence à nous réchauffer et fringuant, nous entrons dans Paizay le Chapt, à l’extrême Est du département des Deux Sèvres, où nous retrouvons le convoi d’assistance.

Tranquillement installés sur le parking de la mairie, nos accompagnateurs nous attendent. Comme chaque année, Nicole, l’épouse de notre président mène le convoi. Derrière elle roulent Patricia, puis Joël et Jeannette, Maryse, Michel, immédiatement suivi par Marie et le véhicule frigo, qui surveille son Michel du coin de l’œil comme le lait sur le feu. Puis viennent Diamina, Nicole et Dorothée, Annie et enfin, fermant la marche, Martial, Marie Claude et leurs petits enfants. Au total, trente personnes composent notre groupe cette année.

Rapidement on ouvre un paquet de brioches à la confiture, on refait le plein des bidons et nous voilà repartis. Cinquante trois kilomètres ont été parcourus et il nous en reste quarante neuf avant le déjeuner. La moyenne est bonne et malgré quelques gouttes de pluie dues à un impertinent nuage, on fonce vers le casse-croûte.

A treize heures, nous entrons dans le charmant petit village de Saint Ciers sur Bonnieure en Charente. Tout est prêt, les tables dressées, et venu en vélo, monsieur le maire nous accueille. Quelques mots échangés, le verre de l’amitié avalé, nous nous mettons à table. Alors que nous entamons le déjeuner, arrive Philippe, le beau frère de Claude, qui entre deux réunions vient nous faire un p’tit coucou. Qu’il est bon de se prélasser sous les arbres, au frais, la digestion faisant son œuvre. Quelques paupières s’abaissent et certains, les doigts de pieds en éventail, se laissent aller à une p’tite sieste réparatrice.

Quant tout à coup, retentit le cri guttural du GPS :

« Départ dans dix minutes ! »

« Enfourchez vos montures dès que possible ! »

Bon, puisqu’il le dit, en avant ! Le convoi de véhicules ouvre la route, et le peloton fort de treize éléments, oui je sais, ce chiffre nous effraie un peu, le peloton dis-je reprend tranquillement sa progression. Saint Amand de Bonnieure, Montemboeuf, Sauvagnac, nous découvrons des endroits magnifiques et petit à petit, nous nous rapprochons de la fin de cette première journée.

Sentant l’écurie, alors que nous montons une petite côtelette, Jean Claude accélère, passe la surmultipliée, envoie du 50 dents et en danseuse s’il vous plait !

« Hé !!! Il a fondu un fusible l’ancien ! »

« Y va péter le compteur … et le cardio ! »

Heureusement, la sagesse lui fait aussitôt reprendre conscience, et il rentre dans le rang.

Nous arrivons vers dix huit heures au camping de Saint Mathieu, au bout de la pointe Sud Est de la Haute Vienne, au bord du lac du même nom. Le temps est en train de tourner et rapidement, les premières gouttes font leur apparition.

« Tous aux abris ! »

Heureusement, les tentes sont installées, les tivolis montés et durant le dîner, les averses succèdent aux averses. Point de balade digestive au bord du lac ce soir. Après le dîner, tout le monde rejoint son home sweet home pour la nuit. C’est la première nuit que nous passons sous la tente, alors on tourne, on vire, on se lève, on se recouche, en un mot, on ne dort pas très bien. Mais la pluie elle, continue de tomber. Et durant toute la nuit, les flics … flacs … plocs, vont rythmer notre sommeil.

 

Mercredi 29 juillet

Il est six heures, les réveils, téléphones mobiles et autres montres sonnent ! Petit à petit, tout le monde émerge et constate que tout est trempé. Le moral des troupes est au plus bas et la rumeur gronde et enfle dans les rangs.

« Ah moi, avec un temps pareil, je ne repars pas ! » dit Patrick.

Le président ne bronche pas. Le petit déjeuner est avalé dans un silence de cathédrale et on comprend bien qu’il va falloir y aller. Lavage, rasage, démontage, essuyage et on nage ! Pour l’instant la pluie s’est arrêtée mais malgré cela, quelques éléments décident de renoncer temporairement à la partie de manivelle. Jean Claude, Patrick et Cédric rejoignent épouses et copine, au chaud, dans les confortables sièges de leurs véhicules respectifs. Tonton lui, reste avec Patrick dans le fourgon d’assistance. Ce matin nous ne serons que dix à rouler sur ces routes glissantes et dangereuses, mais surtout sous un véritable déluge. Il fait froid, chacun a revêtu les manchettes, les manches longues, le kway et essaye tant bien que mal, de se protéger. Et alors que le convoi démarre, une averse nous glace jusqu’aux os. Après quelques minutes de réflexion, à l’abri dans les sanitaires du camping, vélos compris, on prend la route et en file indienne, sans parler, chacun rentre la tête dans les épaules et suit la roue de celui qui le précède. Cette matinée sera très éprouvante.

Après quelques kilomètres, Pierre ressent de terribles vibrations dans sa direction. Tout le monde s’arrête et après un changement de roue, tout redevient normal. Nous traversons Châlus, Bussière Galant, deux villages qui ont déjà vu notre peloton il y a deux ans, puis nous nous enfonçons plus au Sud pour atteindre avec un peu de retard, Saint Yrieix La Perche.

Après un solide raidillon et à côté du cimetière, tout est prévu par l’organisateur, nous retrouvons le convoi. Tout le monde est calfeutré dans les véhicules, au chaud, et personne ne veut sortir. Rapidement, nous changeons de tenues pour mettre du sec, mangeons notre traditionnelle brioche à la confiture et repartons. Nous courrons après le soleil et effectivement, après quelques kilomètres, la pluie cesse, la température remonte et le soleil commence à nous sécher. On est sauvés.

Après avoir traversé le splendide village de Pompadour, vu du coin de l’œil son château, son haras national, son hippodrome et son club Med, nous n’avons pas eu le temps de saluer la marquise, nous descendons maintenant dans la vallée de la Vézère, et alors que sans excès, où presque, nous abordons cette dernière descente qui va nous conduire à la rivière, ouvrant la route en bon GPS que je suis, j’entends brusquement derrière moi le sifflement très particulier d’un pneu de vélo, qui sous l’effet trop appuyé des mâchoires de frein, glisse et crisse sur le macadam. Une première fois, puis une seconde, et enfin une troisième glissade suivie d’un léger glapissement et d’un mer..  retentissant.

A ma gauche, je vois tout à coup passer Bernard, à l’horizontal, les mains sur le bitume, le vélo entre les jambes ou l’inverse. Je me retourne rapidement et m’aperçois qu’après avoir tâté du goudron, il se relève et repart. Ouf ! Pas de bobo si ce n’est quelques égratignures qu’il faudra réparer un peu plus tard. Profitant d’un superbe point de vue sur La Vézère, nous faisons une pause photo.

Et avec une bonne demie heure de retard, nous arrivons à Sadroc, commune du département de la Corrèze.

La municipalité nous offre pour ce déjeuner, un abri couvert au bord d’un étang. Le soleil brille à nouveau et nous en profitons pour faire sécher ce qui peut l’être. En nous attendant, notre armée en campagne a tout préparé. La table est mise, les cuisses de poulet grillent sur la plancha pendant que les pommes de terre rissolent dans la poêle. Une petite tartine de houblon pour se refaire la cerise et nous voici prêts à déjeuner. Le froid nous a épuisé et nous sommes affamés. Chacun de nous englouti tout ce qui se trouve dans son assiette. Il nous faut refaire « du jus » pour cet après-midi, car le dénivelé attendu ne sera pas de tout repos. Patrick et Cédric, qui le matin avaient renoncé sont de nouveau avec nous, et ce sont onze pèlerins qui reprennent le chemin de Saint Hilaire car dans le même temps, René préfère tâter du siège rembourré dans un véhicule.

Deux ans plus tôt, nous avions déjà souffert sur ces routes de Corrèze. Et bien on remet le couvert car chemin faisant, après bien des montées et des descentes, nous arrivons à Saint Hilaire Peyroux. Et sur la place de la mairie nous attendent Jean Claude Peyramard, maire de cette commune et Serge Delbos, adjoint et organisateur du rassemblement 2013. Un par un nous posons nos montures contre un arbre avant de saluer toutes les personnes qui nous accueillent. On retrouve bien là l’esprit des Saint Hilaire.

« Mais… il en manque un ! »

Dans la descente vers le village, Loïc a crevé. C’est la première depuis le départ et il lui faudra quelques minutes pour réparer. En attendant, nous voici attablés en bonne compagnie, devant une fraîche boisson, rien que du naturel, point d’EPO ou de stéroïde anabolisant, juste une décoction de plante herbacée vivace grimpante. Et nous nous rappelons avec une certaine émotion notre venue dans ce village, la formidable fête qui nous avait réuni une fois de plus, l’accueil extraordinaire que nous avait réservé la population des Saint Hilaire, là haut sur le plateau en plein cagnard. Et après avoir reçu quelques présents, que nous ne manquerons pas de goûter les jours prochains, nous reprenons notre route, en descendant toujours plus bas, pour arriver à Gare d’Aubazine.

Après quelques kilomètres le long d’une douce rivière, La Roanne, et avant d’arriver à Lanteuil, Joël notre vice-président ressent quelque lassitude. Une douleur dans la cuisse s’est réveillée et il commence à grommeler, menace d’arrêter. Mais après quelques minutes de récupération, assaisonnées de quelques goûtes de persuasion et d’un cachet de « moralex », il repart. A l’entrée de Beynat, après une longue ascension, crevaison ! Décidément le sort s’acharne, car c’est Joël qui doit réparer. Connaissant la topographie de ce qu’il reste à faire, le pauvre va en baver des ronds de chapeaux. Mais il arrivera au bout, comme tous d’ailleurs, heureux d’en finir avec cette journée dont tout le monde se souviendra.

Avec près de deux heures de retard, nous arrivons au camping de Monceaux sur Dordogne, toujours dans le département de la Corrèze. Heureusement, il fait beau. La température est agréable bien qu’un peu fraîche pour la saison, et nous allons enfin pouvoir récupérer, prendre une bonne douche chaude, et dîner tranquillement sans craindre les foudres du ciel. La nuit tombe doucement et après le dîner, chacun regagne ses pénates, pour une bonne nuit réparatrice. A demain !

 

Jeudi 30 juillet

Comme chaque jour, lever à six heures. Le petit déjeuner, la toilette et le démontage du bivouac sont nos premières activités de la journée avant de vérifier le matériel et de repartir.

Mais ce matin, le petit-déjeuner aura du mal à passer car à peine sur nos montures, une bosse de huit kilomètres se profile à l’horizon. Patrick pose pied à terre, monte dans le fourgon mais repartira un peu plus tard. La Chapelle Saint Géraud, La Roquebrou et nous voici à Omps, village fleuri comptant deux fleurs à son blason, qui nous accueille pour notre pose matinale, la pause brioche. Après quelques minutes avec nos proches, nous repartons et traversons Saint Mamet la Salvetat, La Capelle Del Fraisse, Laberessette, des noms jusqu’alors inconnus et c’est dans ce dernier village que Loïc, encore lui, crève une seconde fois. Heureusement, notre mécano Joël est là pour donner un coup de main et en deux temps trois mouvements, la bête est réparée et sur ses pattes. Après quatre vingt trois kilomètres, nous arrivons à Montsalvy, charmante localité du Cantal.

Deux camping-cars bout à bout, stores dépliés nous font une parfaite protection contre le soleil. Les petites mains se mettent en œuvre et tout le monde s’installe pour le déjeuner.

Nous ne passons pas inaperçus dans les villages que nous traversons, et même les touristes viennent à notre rencontre pour tailler la bavette, savoir qui nous sommes, d’où nous venons, où nous allons …

Alors, le ventre rentré, le torse bombé, nous leur expliquons quel exploit nous sommes en train de réaliser.

« Pensez donc ma pauv’ dame, à notre âge ! »

« Départ dans dix minutes !!! »

Ah, je connais cette voix, j’ai déjà entendu ça quelque part.

Et on repart mais cette fois-ci, je suis sûr que les gars vont aimer leur président. Oh, comme ils vont l’aimer ce président qui juste après le déjeuner, leur a trouvé une descente de douze kilomètres, sur une belle route au revêtement lisse comme une peau de bébé. Alors là, ils sont fringuant les maraîchins. Et on met le cinquante deux dents pour aller plus vite et arriver à Entraygues sur Truyère avant d’entamer, le long du Lot, une grande partie de manivelle sur un terrain plat au décor majestueux.

A ce moment là, tout le monde devait penser, car bien peu regardent le road book, que cette belle route allait nous conduire jusqu’au camping. Que nenni. Il va encore falloir grimper, faire jouer du cuisseau et dans cette dernière ascension, Joël, toujours en proie avec sa douleur à la cuisse, renonce, pose pied à terre, au bout du rouleau. Mais non, fausse alerte, il empoigne la bête par les cornes, se dresse sur les pédales et repart et après cette dernière montée, nous redescendons tranquillement vers Sainte Eulalie d’Olt, l’un des plus beaux villages de France situé dans l’Aveyron, qui nous accueille ce soir.

Pendant que nous réparons, graissons et nettoyons les vélos, et Gérard en profite pour entièrement démonter sa direction qui a pris l’eau et elle n’est pas la seule, certains vont visiter le village médiéval, d’autres installent leur tente et Christian, qui nous a fait profiter toute la journée de la jolie boite à musique coincée dans son pédalier, prend la route de Rodez pour faire réparer la bête. Ça couine, ça grince, ça bloque et ça débloque, il n’en peut plus, et nous non plus. Alors à n’en pas douter, un spécialiste va arranger cela. Et effectivement, avant même que nous nous mettions à table, il revient, sourire aux lèvres :

« Ça y est les gars, on a trouvé le problème ! Demain, plus un bruit !!! »

 

Vendredi 31 juillet

Cette journée sera très particulière pour différentes raisons. Comme chaque jour, la mise en route s’effectue tranquillement mais aujourd’hui, point de pose avec notre convoi, point de déjeuner commun, nous serons tous seuls toute la journée, car la route que nous allons emprunter est tellement dangereuse, que les véhicules n’y mettrons pas leurs roues. Ils feront un détour par Millau, pourront le temps d’un regard apercevoir le viaduc dont tout le monde parle, traverser le Larzac et nous retrouver le soir à Pont d’Hérault… normalement !

Alors, après avoir chargé dans notre fourgon le ravitaillement pour la journée, nous prenons tranquillement la route qui va nous conduire vers les sommets et bien des problèmes.

A peine avons-nous franchi le premier kilomètre, que Joël doit à nouveau faire face à cette terrible douleur. Malgré toute sa volonté, il doit faire demi-tour et retrouver le convoi. Il ne roulera pas avec nous aujourd’hui et doit récupérer pour la dernière journée.

Et comme hier matin, nous attaquons de suite une grimpette de sept kilomètres. Les organismes encore endormis ont du mal à comprendre ce qu’il leur arrive. Les muscles sont durs et réagissent mal. Patrick restitue à la nature son petit déjeuner, au bout d’une heure, son fils Cédric renonce et monte dans le fourgon, puis en redescendra un peu plus tard tout comme son père.

Nous traversons une région absolument merveilleuse, avec des paysages à couper le souffle. Nous en profitons pour faire quelques photos à Saint Rome de Dolan, au dessus des gorges du Tarn, là même où nous avons entendu la première cigale chanter, puis descendons vers Le Rosier. On monte, on descend, et on remonte. Cette fois-ci, nous abordons la montée vers Meyrueis et ce sont près de vingt six kilomètres d’ascension que nous allons devoir ingurgiter. Pour l’instant tout va bien. La cadence est bonne même si sur ce type de terrain, le peloton s’étale un peu. Mais tout le monde suit et à l’heure du déjeuner, nous faisons halte sur le parking du repaire des vautours. Nous sommes dans les gorges de la Jonte, et au dessus de nous tournoient les vautours fauves, qui sont une attraction pour les milliers de touristes qui fréquentent cet endroit.

Nous, on a plutôt l’impression que ces bestioles nous surveillent de leur regard perçant, pour savoir à quel moment on va s’effondrer, et qu’elles pourront fondre sur nous et nous boulotter. Alors, tout en déjeunant, nous aussi on les surveille du coin de l’œil, moins perçant !

Au menu, salade de houblon, salade de pâtes, sandwich aux rillettes, fromage, fruits frais, manque juste le café. Et c’est à ce moment là, que les ennuis vont commencer. Bernard, nous annonce que les rillettes dont il n’est pas friand, lui restent sur l’estomac. Il ne se sent pas bien mais, dans la descente qui suit, ouvre la route avec Loïc et Gérard  jusqu’au village de Meyrueis, sur un terrain vallonné, et tout semble aller pour le mieux.  

Ensuite, ça va se gâter. Dans la montée vers l’Espérou, par le col de Montjardin à 1016 mètres puis celui de La Serreyrède à 1299 mètres, c'est-à-dire au pied du Mont Aigoual, il va de plus en plus mal. Envie de vomir, douleurs généralisées, rien ne va plus. De nombreuses fois nous nous arrêtons pour lui permettre de récupérer.

Et il n’y a pas que lui qui va pas bien. Le pédalier de Christian n’a à priori pas apprécié les rillettes car lui aussi commence à couiner, le pédalier, pas Christian ! A tel point que dans la dernière ascension, il décide de renoncer afin de préserver sa monture pour la dernière journée. Mais Bernard nous inquiète. Il n’arrive plus à suivre, n’a plus de force mais ne veux pas abandonner. Après une dernière photo, nous plongeons vers Pont d’Hérault.

Alors que nous avons eu beau temps toute la journée, la pluie refait son apparition et la descente s’annonce périlleuse. On met un peu de braquet et on appuie un peu plus fort sur les pédales. Mais derrière, ça ne suit pas.

Nous arrivons au camping très fatigués mais heureux d’en avoir fini car demain, il ne reste qu’une soixantaine de kilomètres à parcourir. Alors comme chaque soir, la douche, l’installation, le dîner avec une surprise car nos accompagnatrices ont fait quelques emplettes sur la route, et pour accompagner les grillades de porc, nous aurons de l’Aligot au dîner.

Mais ce dîner, Bernard n’en verra pas la couleur. Il préfère se coucher tôt, sans manger pour récupérer. Durant cette soirée, la pluie revient et écourte ce moment tant attendu où, autour d’un café chaud, nous refaisons la journée, chacun y allant de son petit commentaire.

« Allez, au lit !  Bonne nuit et à demain ! »

 

Samedi 1 août

Ce matin marque la fin de notre périple et tout le monde est joyeux. La pluie s’est enfin arrêtée et pendant le petit déjeuner, on s’enquiert de l’état de santé de Bernard qui annonce qu’il ne repartira pas. Il ne fera pas avec nous le dernier tronçon car il ne sent pas bien. A part lui et Tonton, tout le monde est de nouveau prêt à partir d’autant plus que la consigne est claire :

« Aujourd’hui, personne ne passe devant le président, la cadence sera contrôlée en toutes circonstances et nous ferons le parcours parfaitement groupés » ! « Nous devons arriver à Saint Hilaire de Beauvoir à onze heures trente et nous y serons à onze heures trente ! » Fermez le ban !

Notre convoi n’empruntant pas le même itinéraire, nous partons pour une fois devant les véhicules et à peine quelques centaines de mètres franchis, deux cyclistes de Saint Hilaire de Beauvoir venus à notre rencontre se joignent au peloton.

Quelques minutes après notre départ, le convoi démarre et dans la première ville traversée, Ganges, Martial dépose Bernard aux urgences. Et là, il n’est point question de rillettes. Notre ami a développé depuis plusieurs jours une infection qui l’a abattu. Il restera à l’hôpital quatre jours, avant d’être rapatrié sanitaire vers son domicile. Je vous rassure, tout va bien désormais.

En ce qui nous concerne, nous lézardons dans la garrigue, enchaînant les périodes de vélo et les pauses, Gérard ayant en permanence le chrono qui défile dans la tête. Militaire, militaire ! Avant l’heure c’est pas l’heure … ! Vous connaissez la suite.

Après avoir traversé sous un soleil radieux Ganges, puis Saint Bauzille de Putois, on n’a pas vu le putois, nous arrivons à Saint Bauzille de Montmel et faisons halte à côté de la cave vinicole, pur hasard, où nous retrouvons deux vététistes venus eux aussi à notre rencontre.

Puis viennent  Buzignargues, Galargues et enfin à onze heures vingt cinq, la pancarte tant attendue de Saint Hilaire de Beauvoir se profile à l’horizon et nous immortalisons cet instant.

A onze heures trente précises, l’Amicale Cycliste Paludéenne stoppe devant la mairie du village. Devant tous les amis, connus et inconnus venus nous accueillir, et malgré la fatigue, les traits tirés et quelques douleurs lancinantes, fiers de notre exploit nous mettons un terme à cette fabuleuse randonnée, qui restera à n’en pas douter la plus difficile de ces dernières années. Merci qui ???

Six cent cinquante trois kilomètres ont été parcourus avec un dénivelé positif de onze mille quatre cent onze mètres. Nous avons passé près de trente trois heures sur la selle et malgré les difficultés, tout le monde à cet instant n’a qu’une question :

« Où irons nous l’année prochaine ? »

Et bien je peux bien vous le dire maintenant. Le circuit est préparé, reste plus qu’à réserver les campings et à imprimer les road books, car en 2016, nous irons … à Saint Hilaire ! Car nous le savons maintenant, l’organisation du dixième anniversaire des rassemblements des Saint Hilaire de France et du Québec se déroulera chez nous, dans le marais poitevin.

Mais peut-être aurez-vous néanmoins un p’tiote surprise !

Alors, après cette petite semaine passée sur les routes de France, place à la fête. Et la fête sera grandiose. Après l’apéritif tout en fraîcheur offert par la municipalité de Saint Hilaire de Beauvoir et le déjeuner, nous nous rendons à l’invitation de Michèle Ghiragossian à la manade Janin, pour y découvrir un élevage de taureaux, la race « Camargue », puis les monstrueux « Cabestros », ces taureaux espagnols chargés dans les arènes, de conduire les taureaux de combat. La directrice du mas nous fait une démonstration de dressage et l’un des gardians, un petit solo de guitare gitane.

Cette après-midi se poursuit par le dîner de gala où nous dégustons la fameuse gardianne, cette viande de taureau cuite au vin rouge, et accompagnée de riz, camarguais il va de soi. Ce plat, appelé également « la daube des gardians », est issu de viande de taureaux adultes n’ayant jamais participé à des jeux taurins, et ayant séjourné au moins six mois dans l’année dans des zones humides délimitées. Et cette viande mes amis, possède une AOC depuis 1996. Excellente soirée.

 

Dimanche 2 août

La fête est finie ! Snif ! Mais quels souvenirs nous garderons de cette formidable épopée. Bien sûr, tout le monde n’a pas pu faire la totalité du parcours, pour des raisons diverses et variées, mais ce raid 2016 restera dans les mémoires comme l’un des plus difficiles, la météorologie ayant encore accentué la difficulté. Mais peu 

importe, l’heure est au démontage et au rangement.

Ce matin, on a traîné un peu sous la couette et le petit déjeuner a été pris dans une ambiance relax, très relax ! Ensuite pendant que Joël soude quelques tubes sur la remorque vélos qui a subi quelques dommages durant le voyage, Martial et quelques autres se rendent au chevet de Bernard qui se remet petit à petit, entouré de toutes ces infirmières dévouées.  

Et puis, une fois notre barda chargé, les vélos fermement amarrés sur la remorque, nous nous mettons à table pour la dernière fois.

Nous arrivons au terme de notre séjour à Saint Hilaire de Beauvoir et avant de clore ce chapitre, je tiens à remercier chacun d’entre vous pour sa participation, mais plus particulièrement notre équipe suiveuse, notre armée en campagne qui chaque année nous permet de réaliser ces raids.

Et puis nos amicales pensées vont également vers Saint Hilaire de Beauvoir, son maire Jean Michel Pécoul qui a permit l’organisation de cette rencontre sur sa commune, et Daniel et André Nanot, présidente de l’Hilairoise 34 et son époux, qui ont avec quelques bénévoles dont je salue l’implication et la gentillesse, organisé cette rencontre 2015.

A partir de là, les véhicules se dispersent. Joël et Pierre ramènent le fourgon et la remorque, Claude et Loïc ramène le véhicule frigo, et Gérard et Nicole regagnent également le marais, traînant derrière eux la remorque matériel. Les autres jouent les prolongations. Certains ne repartent que le lendemain, d’autres en profitent pour rendre visite à des amis ou de la famille. Les vacances commencent. Le groupe se disloque mais c’est pour mieux se reformer l’année prochaine.